Située à la pointe de Préfailles et de l’Île de Noirmoutier, la Baie de Bourgneuf est un territoire propice à l’ostréiculture. Les apports en eau douce et en sels minéraux provenant de la Loire et du marais Breton offrent un écosystème exceptionnel entre terre et mer. Au 18ème siècle, l’huître de la baie est même considérée comme la meilleure du Royaume de France pour la finesse de son goût. Parmi les 250 ostréiculteurs qui y résident, nous sommes allés à la rencontre de Matthieu Rondenay, dirigeant de la société Les Vendéennes du Large.
C’est à Bouin précisément, dans la baie de Bourgneuf (Vendée), que Matthieu Rondenay installe son exploitation ostréicole il y a une quinzaine d’années. « Auparavant, je travaillais dans un organisme de certification et d’audit où j’étais spécialisé en pêche et aquaculture. Au bout de six ans, j’ai eu besoin de nouveauté car il y avait trop d’administratif. Lorsque j’ai découvert l’ostréiculture, je me suis dit que c’était le changement qu’il me fallait. » Seul dans un premier temps, il rachète une première exploitation en 2007, dont l’activité réside uniquement dans la vente sur les marchés. Puis en 2016, il en acquiert une seconde avec des parcs en mer et une clientèle de grossistes et de GMS (Grandes et Moyennes Surfaces). C’est alors que les deux sociétés fusionnent pour n’en créer qu’une : Les Vendéennes du Large. « Ce deuxième rachat marque le véritable tournant de l’entreprise. Les marchés ne représentaient plus que 10% de mon chiffre d’affaires alors j’ai décidé d’arrêter cette partie de mon activité pour me consacrer à la vente aux négociants. »
Actuellement, la société s’étend sur six hectares de parcs en mer, deux hectares à terre et environ un hectare de claires (bassins d’affinage). Elle compte également six salariés à l’année et une dizaine en période de forte activité, d’octobre à Pâques. Cet emplacement géographique offre bien des avantages pour l’ostréiculture. En effet, la Vendée abrite la seule écloserie et nurserie d’huîtres de France, qui, grâce à sa maîtrise de la génétique, a permis d’obtenir un produit constant et ainsi faciliter l’approvisionnement en naissains. « Avant, le captage, c’est-à-dire la collecte des naissains, les petites huîtres en voie de développement n’était réalisable qu’en milieu naturel. Mais cette méthode donne lieu à une trop grande diversité génétique dans un naissain, le mélange est trop hétérogène. »
Chaque année, début octobre, Matthieu Rondenay se rend donc à 5 minutes de son exploitation pour aller choisir des naissains mesurant de 5 à 9 millimètres à l’écloserie. En moyenne, il faut compter entre 2 et 3 ans d’élevage pour que l’huître atteigne sa taille adulte et soit prête à être consommée. Lorsqu’ils reçoivent les naissains, Matthieu Rondenay et son équipe les disposent en mer dans des poches avec un maillage adapté à la taille de l’huître et à la densité, surveillées en permanence. Au départ, les poches contiennent 5000 huîtres, contre 200 en phase finale. « L’objectif est d’avoir le maillage le plus gros possible pour que l’eau y passe bien et que les huîtres puissent se nourrir correctement avec du phytoplancton (micro-algues). » Les poches seront régulièrement déplacées et retournées.
Quelques mois après leur arrivée, en mai, elles sont séparées une première fois. « Les huîtres ont grandi et nécessitent plus de place, alors je les dédouble et les transfère dans des poches avec un maillage plus grand. » Dix-huit mois plus tard, elles sont à nouveau repêchées. Un premier tri est effectué, les plus grosses sont emmenées dans le secteur dit de « finition », tandis que les plus petites sont ramenées dans les parcs pour terminer leur
croissance. « L’huître est un produit 100% naturel, la mission des ostréiculteurs est de veiller à bien les disposer en fonction des différentes zones de parcs. Par exemple, il y a des zones que je réserve pour la dernière phase de croissance car je sais qu’à tel endroit elles vont bien se nourrir. »
Lorsque l’huître a atteint sa taille adulte, elle est ramenée à terre et triée en fonction de son calibre, puis vient la dernière étape : l’affinage en claire. « Tout comme le vin ou le fromage, elle a besoin d’être affinée pour développer ses qualités gustatives. » Cette pratique est une spécialité des Charentes et de la Vendée. Anciens marais salants reconvertis, les claires sont des bassins argileux alimentés en eau de mer et de pluie. L’objectif de l’affinage est que l’huître perde son surplus de sel pour obtenir un goût plus fin car la salinité en claires est inférieure à celle de la mer. Ce savoir-faire est régi par des normes. « Il ne faut pas dépasser plus de trois kilos d’huîtres par mètre carré de claires. Également, elles doivent y séjourner au moins trois semaines. » Toutefois, cette technique n’est pas obligatoire. En période estivale par exemple, il n’y a pas d’affinage en claire car le taux de sel est trop élevé. Dans ce cas, les huîtres sont placées en bassin, appelés dégorgeoirs. Passé cette dernière étape, les huîtres sont lavées, triées, calibrées, conditionnées puis mises en vente.
Traditionnellement, la saisonnalité des huîtres s’étend de septembre à avril. « L’été, je ne les conseille pas car elles sont en phase de reproduction. » Cependant, les laboratoires de recherche ont donné naissance à l’huître des quatre saisons. Sa texture reste constante, sans jamais devenir laiteuse, permettant ainsi une consommation tout au long de l’année.
Les Vendéennes du Large produisent deux types d’huîtres : la fine de claire et la spéciale de claire. La différence entre les deux réside principalement dans le taux de chair. La fine de claire se distingue avant tout par ses saveurs marines et sa chair fine et délicate. Tandis que la spéciale de claire, plus charnue, comporte une chair croquante et généreuse qui dévoile de subtiles notes de terroir légèrement sucrées. La fine de claire en calibre numéro 3 représente à elle seule la plus grosse partie du chiffre d’affaires de l’entreprise qui en produit une centaine de tonnes par an pour une production annuelle totale toutes catégories confondues s’élevant à deux cents tonnes. Forte de son succès, cette dernière a récemment obtenu une médaille de bronze au dernier salon de l’agriculture et la spéciale de claire une médaille d’argent. Depuis le début de son activité, le travail d’affinage de Matthieu Rondenay s’est vu récompensé sept fois. « Le barème de notation du concours est rude. Cette année par exemple, dans la catégorie fine de claire, il n’y a pas eu de médaille d’or ni d’argent. »
Depuis 2010, la société se diversifie dans l’élevage de crevettes impériales, un produit d’exception importé du Japon. « Cette production est compliquée, c’est de l’élevage extensif car il faut mettre une crevette au mètre carré de claires. Elle a besoin de beaucoup d’espace pour se développer. Les bonnes années, nous en produisons deux cents kilos. » A l’avenir, Matthieu Rondenay souhaiterait optimiser la qualité de ses produits. « Nous sommes en perpétuelle évolution. Lorsque je me suis lancé en 2008, mon entreprise produisait quinze tonnes par an contre deux cents aujourd’hui. Soit une production multipliée par plus de 10. J’aimerais prendre le temps de me concentrer sur l’élevage de crevettes impériales, sur les huîtres et pourquoi pas tenter d’obtenir une médaille d’or au prochain salon de l’agriculture.»