La légende raconte que Bernard Broquère, fondateur de Comptoir Colonial en 1971, a découvert la baie rose lors d’un voyage à la Réunion. Considérée alors comme un poison par les locaux, ce dernier décide tout de même de la rapporter en métropole, pari gagnant : son succès est immédiat. Nous avons rencontré Florence Delobel, directrice générale et Benjamin Bazille, responsable commercial, qui nous ont ouvert les portes de la société aux mille et une épices.
Après des débuts dans l’importation de fruits et légumes tropicaux, la marque Comptoir Colonial, créée par la Société Internationale de Transaction, a rapidement réorienté son activité en se développant sur l’importation et la transformation d’épices et de condiments. En 2002, la marque est rachetée par Christophe Darcet qui crée la société du même nom : Le Comptoir Colonial. Passionné de voyages et de découvertes, il parcourt alors les continents à la recherche de nouvelles épices. Les liens tissés avec les producteurs locaux favorisent l’émergence de nouvelles gammes. L’entreprise se développe rapidement et déménage son atelier de fabrication situé jusqu’alors à l’arrière de sa boutique historique du 18ième arrondissement de Paris encore en activité aujourd’hui et l’installe à Saint-Etienne de Rouvray (76). En quelques années, Le Comptoir Colonial devient l’un des leaders du marché de l’épicerie fine. Aujourd’hui, la PME, basée à Isneauville près de Rouen, occupe un site de 3500m² et envisage déjà une nouvelle extension.
Le Comptoir Colonial référence 950 produits répartis en 10 gammes : les piments, l’herboristerie, les vanilles et sucres, les moutardes, les huiles, les condiments, les vinaigres, les sels, les poivres et enfin les épices et mélanges d’épices. Cette dernière famille ne dénombre pas moins de 650 variétés. « 80% des mélanges d’épices sont réalisés dans nos locaux. Cela nous permet de garantir la fraîcheur du produit, sa traçabilité et la stabilité de la recette » B.Bazille. L’entreprise dispose même d’un pôle Recherche & Développement, lui permettant de confectionner des mélanges uniques, un véritable avantage face à la concurrence grandissante. « Nous réalisons des mélanges à la demande de nos clients » B.Bazille. Afin de répondre aux attentes de la société actuelle, Le Comptoir Colonial a récemment développé une gamme Bio.
Parmi cette multitude de produits, ceux qui rencontrent le plus grand succès sont les poivres. En effet, Le comptoir Colonial propose l’une des plus belles sélections de poivres, « Nous proposons 66 variétés de poivres. C’est notre cœur de métier » F.Delobel. Cette famille se découpe en quatre catégories : les poivres dits ronds, les plus traditionnels. Les poivres longs, les premiers à avoir été découverts par l’homme : « ils sont boisés et épicés, ce qui apporte beaucoup de puissance en bouche » B.Bazille. Les poivres à queues, beaucoup plus doux, très aromatiques et moins piquants, et pour finir, la famille des faux poivres (le Sechuan rouge ou encore la fameuse baie rose…) Pour développer son aromatique, le poivre a besoin de soleil et d’eau. « Tout comme le vin, il a besoin de prendre le goût du terroir » B.Bazille.
Peu de références sont issues de France : « Nous avons des propositions, mais les produits français sont chers et parfois moins qualitatifs. Un safran français est beaucoup moins puissant qu’un safran iranien » B.Bazille. Malgré tout, le savoir-faire de nos régions est reconnu, notamment pour les sels marins (Guérande, Île de Ré), les herbes de Provence, le piment d’Espelette, soit une quinzaine de références en tout. Par ailleurs, sur le marché du sel, Le Comptoir Colonial se place parmi les plus gros importateurs français de sel rose. Déniché en plein des cœurs des mines du Pakistan, ce sel est une réelle démonstration de savoir-faire. Formé il y a 250 millions d’années et enseveli sous terre, ce sel s’est oxydé par la compression des roches. « Plus l’on descend dans les mines, plus le sel est rose voire rouge » B.Bazille. Contrairement aux sels marins, les sels de mines principalement utilisés comme sel de finition en cuisine, sont plus doux et moins iodés.
La force de Comptoir Colonial réside dans sa capacité d’écoute du marché. « Notre sourcing produit est orienté par la demande du client. Nous sommes à l’écoute du terrain » B.Bazille. Au fil du temps, l’entreprise a noué des liens solides avec des producteurs locaux aux quatre coins du monde, principalement avec les pays asiatiques, l’Amérique du Sud et Madagascar qui regorgent de merveilles. Bien que chaque produit soit unique, le schéma de production est le même. Lorsqu’une matière première retient l’attention des experts de la société, un cahier des charges rigoureux est établi avec le producteur, permettant entre autres de l’accompagner vers un mode de production plus raisonné. « Par exemple, pour le poivre de Kampot, qui possède l’une des deux Indication Géographique Protégée (IGP) en poivre, nous avons réfléchi à la production. Généralement, pour obtenir un poivre bien blanc, le grain est passé à l’eau de manière à le ramollir légèrement, puis nous frottons délicatement la surface de sa coque. Pour éviter cette étape, nous avons introduit dans le système d’arrosage des petits cuves qui balayent le poivre, de manière à limiter le gaspillage d’eau » B.Bazille. Ensuite, le produit passe toute une phase d’échantillonnage, de test de qualité. « Si les résultats s’avèrent concluants, alors nous décidons de l’importer dans nos locaux pour le retransformer si besoin, puis nous le commercialisons » B.Bazille. Ainsi, l’entreprise maîtrise tous les maillons de cette chaîne de fabrication, du producteur au consommateur.
La réputation de l’entreprise résonne bien au-delà de nos frontières puisque Le Comptoir Colonial exporte dans une quinzaine de pays. En terme d’activité, ce marché s’équilibre avec la restauration et l’épicerie fine. « Cette diversité dans notre typologie de clients est cruciale. C’est ce qui nous permet de surmonter des crises comme celle de la COVID » F.Delobel. En allant dénicher des épices dans le monde entier, la société doit également faire face aux divers problèmes climatiques. « Dernièrement, un cyclone s’est abattu sur nos zones de récoltes de poivre sauvage, détruisant près d’une année de production » B.Bazille.
Florence Delobel, fraîchement nommée à la direction générale depuis le rachat de la société par le groupe Andros en 2021, souhaite poursuivre le développement amorcé et mis en place par son prédécesseur Christophe Darcet. « Nous avons des produits qui nécessitent des explications et qui ont des histoires. Nous devons donc accompagner nos clients sur leurs utilisations et leurs usages » F.Delobel. Des objectifs motivants pour les équipes qui voient ce rachat d’un très bon œil. « L’idée, c’est que la structure vive et puisse se développer avec le soutien d’un groupe, tout en restant autonome » F.Delobel.