L’élevage de vaches nantaises a un bel avenir devant lui. Respectueux de l’environnement, ce modèle d’exploitation économe et auto-suffisant est en accord avec les attentes de la société de demain.
Dans son exploitation de 100 hectares à Saint-Philbert-de-Grand-Lieu (44), Christophe Sorin, 46 ans, élève seul un troupeau de 50 vaches nantaises depuis 1997.
Cette race, dont les origines remontent aux années 1800-1900, est ce que l’on pourrait qualifier de « rescapée ». Et pour cause, l’espèce a failli s’éteindre dans les années 80. A cette époque, un plan de modernisation et d’industrialisation de l’agriculture demande aux éleveurs de sélectionner des animaux plutôt à viande ou à lait. Grâce à un collectif d’éleveurs, qui porte aujourd’hui le nom d’Association de la vache nantaise, un plan de sauvegarde est mis en place et la Nantaise a pu conserver sa double aptitude. Christophe Sorin fait partie des 100 éleveurs qui composent cette association visant à la promotion et à la sauvegarde de la race. Les éleveurs sont répartis entre la Loire-Atlantique, le Maine-et-Loire et la Bretagne.
Christophe Sorin n’est pas seulement agriculteur. En effet, il occupe deux emplois complémentaires. Petit-fils d’agriculteur, il a toujours eu un attrait pour la biodiversité. Après ses études, il se voit confier la gestion de la réserve naturelle du lac de Grand-Lieu par la fédération des chasseurs. C’est d’ailleurs pour entretenir ces zones de marais que Christophe Sorin a eu l’idée de se lancer dans l’élevage de vaches nantaises. « Au début, j’ai utilisé les animaux comme un outil. J’avais besoin de tondeuses à 4 pattes ». La vache nantaise est un système d’exploitation économe et autosuffisant. Elle s’adapte très bien à son environnement. « Chez moi, l’animal est libre. La moitié de l’année, elles sont à la ferme et l’autre moitié au marais. » Leur alimentation est basée à 99% d’herbe et 1% de mélange céréalier naturel, ce qui entraîne peu de dépenses. « De cette manière, je peux exploiter les terrains qui m’ont été confiés sans les appauvrir, mais plutôt en les enrichissant, en faveur de la biodiversité. C’est une race rustique capable de valoriser tout type d’herbage. Dans les zones de marais, elle pâture 27 sortes de plantes, dont certaines que d’autres races ne mangeraient pas. »
Il est important que cette race reste mixte et produise du lait puisque le veau est élevé sous la mère. Bien qu’elle n’en produise pas beaucoup, son lait possède des qualités laitières très riches en matières grasses, idéal pour la transformation (beurre, fromage etc).
L’une des particularités de la Nantaise réside dans sa croissance plutôt longue et lente. En effet, une vache nantaise ne produit du lait qu’à partir de 3 ans, quand elle a son premier veau. « Comme les Nantaises sont élevées en système « allaitant », elles concentrent leurs efforts les premières années pour produire du lait afin de nourrir les veaux. A ce moment-là, elle ne va pas développer sa masse musculaire. Au bout de 6 mois, quand les veaux sont sevrés, la Nantaise peut concentrer son énergie pour façonner son muscle et produire de la graisse. Ce processus de transition dure environ 4 à 6 mois. »
Au printemps, l’herbe est plus riche donc l’animal produit plus de graisse. Tandis qu’en hiver la nourriture est moins riche, la bête puise dans ses réserves et construit son muscle. Ce processus de roulement entre les saisons permet à la graisse de venir se fixer à l’intérieur du muscle. C’est ce système de superposition de couches qui donne à la viande son persillage. « Si l’on souhaitait accélérer la croissance d’une vache et qu’on lui donnait beaucoup à manger d’un coup, elle produirait de la mauvaise graisse. C’est pour cette raison que son évolution se doit d’être longue et lente. »
Grâce à ce développement, on obtient un muscle avec un grain plus fin, plus dense. Les bouchers l’apprécient car cette viande a une certaine tenue. A chaque bouchée, elle libère beaucoup de jus. Pour sublimer cette viande, il est conseillé de la faire maturer pendant un mois. Cette étape va permettre de faire diminuer son taux de collagène (mauvaise graisse). Au final, on obtiendra une viande tendre, goûteuse et juteuse.
La Nantaise s’inscrit dans un circuit court. Une fois le travail d’élevage terminé, les vaches partent dans un abattoir basé à la Chataigneraie (sud Vendée), puis à l’atelier de découpe. « Jusqu’en 2019, il y avait un abattoir plus proche, mais il a fermé. Le nouveau est à une heure de transport, cela me gêne car pendant le transport, les animaux stressent. Si demain l’abattage à la ferme voit le jour, je m’y inscrirai directement.
Depuis quelques années, la tendance est au retour du local. Les consommateurs autant que les restaurateurs s’intéressent davantage à l’origine du produit qu’ils achètent.
Selon Christophe Sorin, cette race a un bel avenir, grâce à son modèle d’exploitation économique. « Plus on consommera de la vache nantaise, plus on participera à la sauvegarde de la race. C’est presque un acte sociétal ». De plus, avec une empreinte carbone très faible, ce système d’élevage contribue à la préservation de l’environnement. Ce qui est plutôt rare dans un élevage bovin.